Christian Rayer nous raconte ses relations avec JCO
En Souvenirs de Jean-Claude Olivier ( Comment sommes nous devenus Amis ! ) En fait JCO le directeur de Yamaha-France est devenu au fil des années un très bon pilote-moto ; il adore le tout-terrain et surtout sa course favorite "Le Touquet". Il roule très bien et à l'arrivée, il n'est jamais très loin de moi, nous sommes en 1979.
Avec le Boss, nous entretenons maintenant des rapports chaleureux, mais cela n'a pas toujours été le cas ! .......
Lorsqu'avec son accord, je suis entré chez "YAMAHA-SONAUTO", pour créer un nouveau projet de moto de course en Trial, il y a déjà quelques années, ( en 1971 ) l'usine ne produisant que très peu de matériel pour le tout-terrain de compétition, la firme commençait seulement à s'intéresser au "Moto-Cross", nos rapports étaient courtois certes, mais empreints d'une certaine distance, comme il se doit entre un patron et son employé, même quand celui-ci est " privilégié".
En Trial j'avais une totale carte blanche, dans la limite de nos accords ; le boss avait bien essayé une fois ou deux de m'accompagner à l'entrainement pour voir ? .. Mais là , il s'était vite rendu compte que ce n'était pas son truc ! besoin de trop de métier, trop technique, trop spécial : le Trial demande beaucoup d'expérience, de travail, d'adresse, de maîtrise ! Il faut des années, etc ... etc .... Cela dura donc ainsi pendant longtemps où nous ne nous rencontrions à son bureau seulement pour parler technique et compétition mais aussi argent et business, (ventes de motos). J'étais bien conscient de n'être qu'un nouveau petit maillon, dans la grande écurie "YAMAHA-FRANCE", elle comptait depuis des années un très gros palmarès de victoires en courses de vitesses sur circuit avec les noms illustres de grands champions français, mais aussi étrangers. Nos rapports sont donc un peu curieux, car ayant exactement le même âge, cela oscille entre complicité et rigueur ! Lui en tant qu'importateur, PDG et chef d'écurie, il est amené à prendre régulièrement des décisions importantes, sur le choix du matériel, des hommes, des budgets importants, etc. .... ce qui l'isole un peu dans sa tour d'ivoire, par rapport à un électron libre comme moi. Au fil des premières années, nous avons mis un certain temps à nous apprécier pleinement, parfois, (souvent ! ) nous n'étions pas toujours d'accord sur la stratégie à employer pour gérer mes courses en tout terrain, surtout quand j'ai commencé l'enduro. Je me souviens très bien, de certains lundis matins, après la course où je rapportais la machine à l'atelier à "Levallois" chez "SONAUTO", le Boss avait déjà lu le compte-rendu des résultats de la veille dans le journal "l'Equipe". Dès mon arrivée à l'atelier, j'avais droit à être convoqué d'urgence par la secrétaire ; il commençait par me faire longuement attendre à la porte de son bureau, ensuite, le visage fermé, c'était pour m'entendre dire que si j'avais crevé mon pneu-arrière en course et perdu ainsi la victoire dans l'Enduro, c'était de ma faute, etc, etc...Il n'était pas content et me le faisait bien savoir ..!...Cela m'agaçait fortement, parce qu'il n'avait pas l'idée exacte, ni l'expérience nécessaire pour juger vraiment du tout-terrain en compétition à cette époque, il voyait cela de l'extérieur, il réagissait comme un chef d'écurie de motos de circuits sur piste, ce qui n'a rien à voir.
Lors de ces moments-là , nous avons souvent frôlé la rupture. Comme j'étais le premier pilote, et le seul chez "SONAUTO" dans ces disciplines du tout-terrain, excédé, j'ai fini par lui dire un jour : «venez vous rendre compte par vous-même>, sur le terrain, de ce qu'est l'enduro en course ! » (on ne se tutoyait pas encore à cette époque, cela a mis du temps) J'ai dû un peu le vexer, ou le motiver ? ....Du coup, cette fois, la chance était de mon côté : il décida un jour de venir en force, avec toute l'écurie (semi-remorque atelier, mécaniciens, etc. ) et lui-même, pour participer à une manche de championnat de France d'enduro, pour voir ...! Il faut bien comprendre qu'à l'époque je me débrouillais seul en course, c'était dans mon contrat, comme en Trial, je devais assurer la mécanique, le transport, et si possible les résultats ! .... En fait le déclic s'est fait juste après cette manche du championnat de France inter, cette épreuve difficile où il décida de venir, c'était en montagne ; chance pour moi dans des conditions épouvantables, neige, froid sibérien, etc. .....Et. je remporte ce jour-là , brillamment la victoire ! ....... Lui-même, en a bien bavé, évidemment, des « ronds de chapeaux », un maximum pendant la course, il a dû finir très loin au classement-débutants, du coup il commença certainement à mieux mesurer le problème, au point que le soir de l'épreuve, à l'hôtel, après la remise des prix, dans l'enthousiasme de la victoire de YAMAHA, il me demanda discrètement la faveur que nous refassions ensemble, le lendemain (seuls tous les deux) un tour complet du circuit de cinquante kilomètres dans la montagne ; il voulait comprendre comment je pouvais rouler si vite, dans les chemins, dans des conditions pareilles ? « je buvais du petit-lait bien-sûr ! » le lendemain, nous roulons ensemble depuis un bon moment dans la première épreuve spéciale, ce n'est qu'une vaste ornière de boue : hyper glissante cette spéciale ! un chemin de montagne qui grimpe en espaliers, sur des kilomètres avec virages à angles droits, le tout dans la neige à plus de mille mètres d'altitude. Je le sens très excité à sa façon de piloter, il s'accroche pour me suivre et faire bonne figure, peut-être un peu aussi pour me prouver qu'il est capable d'assurer, qu'il sait rouler et qu'il connait aussi la musique.
Nos machines, par exemple, elles sont très différentes (nous n'étions pas toujours d'accord sur le choix du matériel en course à cette époque), donc je décide que c'est le moment, un peu comme un coureur du tour de France dans le Tourmalet qui décide d'accélérer alors que tout le monde est déjà sur les rotules ; je mets donc le booster, et c'est dans un enchaînement de virages, en dérapages et accélérations sur la roue-arrière, que je le laisse sur-place pendant une bonne dizaine de kilomètres sans souffler. J'arrive au sommet de la montagne et décide de m'arrêter là pour attendre mon illustre compagnon et recueillir à chaud ses impressions ! je me doutais bien qu'il était maintenant loin derrière. Effectivement, en regardant le chemin vers la vallée, je peux l'apercevoir, tout petit, et l'entendre arriver très au loin se battant avec sa machine comme un beau diable dans les nombreux lacets et les ornières de ce chemin qui n'en finit plus. A son arrivée, bien en sueur, après avoir difficilement repris son souffle, il retire son casque et il y a un silence entre nous qui dure quelques secondes. Il regarde ma machine et me dit avec un sourire entendu : « d'accord, d'accord, j'ai compris la leçon ! .... Je croyais savoir de quoi il retournait et je pensais plutôt bien rouler en tout terrain ! Avec mes frères et nos amis, d'habitude personne n'arrive à me suivre !... OK, c'est toi qui avais raison ! il est vrai qu'il faut d'abord un moteur puissant. Désormais pour la préparation du matériel, je te demanderai conseil, nous prendrons les bonnes décisions ensemble»
A partir de ce moment-là , notre relationnel a complètement changé, nous sommes devenus vraiment des amis, mon statut est monté brutalement d'un cran, surtout que, dans la foulée, il y eut le "Abidjan-Nice et le Touquet" où j'ai pu reconfirmer mes compétences, en dehors du Trial, si c'était encore nécessaire ? Avec tous les rebondissements que nous connaissons.
Lorsque je suis embauché chez "YAMAHA" en 71, pour la fabrication et la mise au point du "premier prototype de moto de Trial Japonaise", il avait été question que, peut-être, je me déplace à l'usine au Japon, faire des essais, etc ? ..... En fait lorsque le moment arriva, ce sont plutôt les ingénieurs Japonais qui sont venus me retrouver en Europe, pour me faire essayer les prototypes ! ... Je restais donc pendant des années un peu sur ma faim du désir de découvrir ce fascinant « pays du soleil levant ». Quand un jour, à mon magasin de "Viroflay" en 1977, je reçois un coup de téléphone de "JCO" : « J'ai une bonne nouvelle pour toi, tu pars au Japon bientôt ! tu es invité par l'usine pendant quinze jours avec "Patrick Pons" (champion de vitesse international) et quelques concessionnaires de la marque, je te verrai à Roissy avant l'embarquement »
Chris RAYER
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Pour acheter le livre de Chris Rayer, veuillez adresser un chèque de 25 € (frais de port compris), libellé à l’ordre de Christian Rayer, à l’adresse suivante :
IP MOTEURS BP 185 Sophia-Antipolis 06904 Valbonne Cedex France